mardi 27 décembre 2022

Ramsès - Christian Jacq

TOME 1 : Le fils de la lumière
 
En résumé : Encore adolescent, Ramsès se distingue par son intelligence, son humilité, son courage et l'admiration qu'il voue à son père, le pharaon Séthi. Des qualités qui pourraient faire de lui le futur chef de cette Égypte grandiose et prospère. Seulement, ce n'est pas Ramsès qui est destiné à cette fonction suprême mais l'aîné, Chénar. Ce dernier voit en Ramsès un ennemi, quelqu'un qui pourrait menacer son accès au trône. Il est également jaloux de ce cadet dont la beauté attire les plus belles filles de Memphis, ville qui accueille le palais royal. Pourtant, malgré l'hostilité des uns et des autres, Ramsès trace sa route, assisté par ses fidèles amis, Améni, Sétaou et Moïse. Séthi va progressivement s'intéresser à ce fils valeureux et va l'éveiller petit à petit au rôle d'un pharaon, si bien que Ramsès est finalement désigné comme le successeur de Séthi. Cette décision n'est pas pour plaire à Chénar qui va tout faire pour éliminer son frère en s'entourant des bonnes personnes. A la mort de Séthi, Ramsès accèdera au trône, mais il y accèdera seul. 

Mon avis : Cela fait un moment que j'entends parler de Christian JACQ et de son œuvre littéraire colossale qui retrace les périodes marquantes de la civilisation égyptienne. Adepte des romans historiques qui mélangent faits réels et fiction, j'étais sûre que la saga sur Ramsès me plairait, si bien que j'ai acheté les cinq tomes d'un coup dans une recyclerie. Ce premier tome ne m'a pas déçue, loin de là. Toutes les conditions sont réunies pour que l'on s'immerge facilement dans cette saga : des descriptions qui nous font voyager, des personnages mémorables, des rebondissements, du suspense, de la romance... En suivant le parcours de Ramsès, on pénètre dans un moment fort de l'histoire de l’Égypte. Grâce aux voyages qu'il effectue avec son père dans les différentes régions contrôlées par le pharaon, on assiste aux modes de vie des populations de l'époque, ainsi qu'à la construction d'édifices majestueux destinés à traverser les siècles. Ce bon dans le temps est très appréciable, on a l'impression de vivre à l'époque de Ramsès, comme si on pouvait toucher du doigt cette époque si particulière de l'Histoire. Loin d'être rébarbatif, ce premier tome est aussi le récit d'un homme, Ramsès, auquel on s'attache, ne serait-ce que pour sa sincérité, son honnêteté et sa fidélité à ses amis. Les intrigues occasionnées par les autres personnages rythment l'histoire et apportent ce côté plus romancé qui nous tient en haleine. N'ayant quasiment aucune connaissance scientifique sur cette période, je n'ai pas su faire la part des choses entre ce qui est de l'ordre de la fiction et ce qui appartient à l'Histoire. Sur le site de Christian JACQ, on peut lire certains commentaires de lecteurs qui s'offusquent de la très large liberté prise par l'auteur pour retracer la vie de Ramsès. Certes, le passage sur la rencontre avec Homère m'a laissé un peu perplexe, mais pour le reste je ne saurais dire si la marge d'interprétation est si importante que ça. Quoiqu'il en soit, j'ai apprécié cette lecture qui a eu le mérite de m'apprendre deux trois trucs sur l’Égypte ancienne, qui m'a mis plein d'images dans la tête et qui a su me maintenir en haleine jusqu'à la dernière page. Rien que pour cela j'ai hâte de me plonger dans le second tome.

Challenges :

samedi 17 décembre 2022

Les nuits de laitue - Vanessa Barbara

En résumé.

Otto et Ada ont vécu une histoire d'amour fusionnelle dans leur maison jaune perchée tout en haut d'une colline. Ayant décidé de ne pas avoir d'enfants, ils ont vécu l'un pour l'autre, partageant, au fil des jours, leur passion pour le chou-fleur à la milanaise, les documentaires animaliers et le ping-pong. Si Otto est devenu un petit vieux plutôt acariâtre et renfrogné, Ada était tout son contraire, une femme extravertie toujours mêlée aux activités du quartier. Lorsque celle-ci meurt soudainement, c'est un grand vide qui habite désormais la maison jaune. Otto, incapable de tourner la page, repense aux souvenirs heureux. Amateur de romans policiers et de faits divers, il ne peut s'empêcher d'imaginer qu'Ada a été victime d'un coup monté. Tout en restant confortablement assis dans son fauteuil, il mène son enquête en prêtant une attention soutenue aux bruits provenant de son voisinage loufoque.

Mon avis.

Je pense que je ne me serais pas spontanément dirigée vers ce livre si je n'avais pas eu envie de remplir une des catégories de mon Défi lecture 2022, celle de l'auteur sud-américain. J'ai souvent été déçue par les bouquins des éditions Zulma, que je trouve toujours un peu perchés et ennuyants. Celui-là, même s'il contient quelques scènes cocasses qui prêtent à sourire, ne m'a pas non plus emballée. A vrai dire, je l'ai refermé il y a des déjà plusieurs semaines, et il n'en subsiste déjà plus grand chose...

Les nuits de laitue offrent trois dimensions de lecture : la dimension comique grâce à la mise en scène de personnages aux habitudes plutôt étranges, la dimension tragique avec Otto qui a perdu sa femme et peine à faire son deuil et la dimension policière avec cette enquête autour de la mort d'Ada. Si les dimensions comique et policière sont souvent mises en avant dans la quatrième de couverture ou dans les chroniques que j'ai pu lire ça et là, j'ai trouvé que c'était la dimension tragique qui était la plus développée dans ce récit. On y découvre un Otto complètement désemparé pour qui il est difficile de vivre sans Ada. Chaque page est imprégnée de son souvenir, chaque phrase fait écho à la femme qu'elle était. L'image que j'ai d'Otto est celle d'un homme cloué à son fauteuil, incapable de se mouvoir tant il est privé de sa seule raison de vivre, Ada. C'est en cela une émouvante évocation de la perte d'un être cher et des ravages qu'elle peut causer chez ceux qui restent. J'ai été sensible à ce personnage qu'est Otto, mais encore plus aux émotions qui le traversent. 

La dimension comique est plutôt bien traitée aussi. En début de récit, chaque chapitre est consacré à la description d'un des voisins d'Otto. J'ai bien aimé le personnage du facteur qui se trompe tout le temps dans la distribution de son courrier, mais aussi celui du pharmacien qui est obsédé par les effets secondaires des médicaments, ou encore celui du japonais frappé d'Alzheimer et qui a longtemps cru que la Seconde Guerre Mondiale n'était pas terminée. Il y a aussi la secrétaire débordée par sa machine à écrire et par ses chiens qui lui refont tout son intérieur à coups de morsure et l'anthropologue fraîchement mariée mais dont le mari est toujours en déplacement. Cette galerie fantasque de personnages apporte un peu de lumière à la peine d'Otto et donne l'image d'un quartier animé, comme en marge du monde tant la fantaisie a tendance à se faire rare. Certaines de leurs petites habitudes nous font sourire. Ce côté loufoque se retrouve souvent dans les romans étrangers, alors que les romans français sont toujours un peu plus sérieux.

Je suis en revanche complètement passée à côté de la dimension policière. Je n'ai pas bien compris où voulait en venir l'auteur avec la présence de ce meurtre dans l'intrigue. Qui plus est, il faut attendre plusieurs chapitres pour comprendre qu'il y a quelque chose de louche qui s'est passé dans ce quartier. On ne comprend d'ailleurs pas pourquoi cela intervient si tard dans le récit. Cette dimension un peu bancale, qui tombe comme un cheveu sur la soupe gâche pour moi la totalité du livre. On sent bien que c'est l'aboutissement de l'intrigue, mais c'est raté, alors il ne reste plus que les deux autres dimensions qui ne suffisent pas selon moi à faire un bon roman. C'est là le côté un peu inabouti que je reproche parfois aux bouquins des éditions Zulma. Tous les ingrédients sont réunies pour une lecture agréable, mais la recette manque de piquant ou les ingrédients ne sont pas bien incorporés, et j'ai souvent l'impression de passer à côté du message de l'auteur, ou du dénouement.

Voilà donc un roman particulier, truffée de bonnes intentions mais dont le dénouement est trop fragile pour être apprécié. J'ai donc achevé ce livre avec une légère amertume, déçue d'être passée à côté de ce roman qui fut pourtant primé premier roman étranger en 2015. 
Dernières infos.

Les nuits de laitue a été publié en 2015 et compte 223 pages.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2022 : Consigne 12 - Auteur d'Amérique latine ou d'Amérique centrale - 39/100

dimanche 13 novembre 2022

Apaiser nos tempêtes - Jean Hegland

En résumé.

États-Unis, époque contemporaine. Cerise et Anna sont deux femmes que tout oppose. Une étudie la photographie et a un train de vie plutôt confortable, tandis que l'autre se cherche et est issue d'une famille moins aisée. L'une est très sensible, cherche à exprimer la complexité de l'âme humaine dans ses photos, l'autre est introvertie et n'a quasiment aucune relation sociale. Pourtant, ces deux femmes vont vivre un même événement : une grossesse indésirée. L'une va décider d'avorter alors que l'autre va faire le choix de garder le bébé et de l'élever seule. Le parcours de ces deux femmes est raconté sur des décennies, mis en parallèle, pour peut-être, finir par se rejoindre pour apaiser leurs tempêtes intérieures.

Mon avis.

Je suis tombée sur ce livre il y a quelques mois, un peu par hasard au fur et à mesure de mes pérégrinations sur Livraddict. En ce moment, le thème de la maternité m'intéresse, et ce livre semblait correspondre à mes attentes, suivre la vie de deux femmes, une qui a fait le choix de mettre au monde son bébé, l'autre qui a fait le choix d'avorter. A la lecture de la quatrième de couverture, je pensais suivre l'une avec dans sa vie un ou des enfants, et l'autre sans enfant. En fait, les deux vont finir par avoir des enfants, et la question n'est pas celle d'une vie avec ou sans enfant mais plutôt celle de la maternité dans son acceptation la plus large, des premiers instants de vie à la période difficile de l'adolescence. Quoiqu'un peu déçue par le décalage entre ce que je projetais et ce qu'est le livre en réalité, je peux d'ores et déjà vous dire qu'Apaiser nos tempêtes est un livre puissant, souvent éprouvant sur le plan émotionnel, et dont on ne ressort pas indemne.

S'il est si puissant, au-delà des parcours de vie de Cerise et d'Anna, c'est grâce au style d'écriture de Jean HEGLAND. Sa plume est tellement sensorielle. Quand on se plonge dans cette histoire, ce sont tous nos sens qui sont mis en alerte : la vue, l'ouïe, l'odorat, le toucher et peut-être même le goût. Quand je repense à ma lecture, c'est un film qui me revient en mémoire, je vois des scènes se dérouler devant mes yeux, accompagnées de sons, d'une odeur qui se dégage. La description des lieux photographiés par Anna y est pour beaucoup. La lumière est omniprésente dans ce roman, elle appuie les ressentis des deux protagonistes, nous plonge dans une ambiance particulière et est indissociable des événements vécues par les jeunes femmes. Ainsi chaque passage est ancré dans un environnement si bien décrit qu'on a l'impression d'y être, et l'on rentre complètement en symbiose avec les personnages principaux. La puissance de ce roman vient également de son ancrage dans la vie réelle de femmes américaines qui se retrouvent face à ce choix cornélien : garder son bébé ou avorter. Les questions politiques sont abordées avec subtilité. Elles influencent les jeunes femmes, elles font partie de leur choix, même implicitement, elles font partie du décor, mais ne sont jamais dénoncées ouvertement. Ainsi, une scène est décrite avec les anti-avortements manifestant devant une clinique qui pratique l'avortement. A l'inverse Cerise tombe sur une association (secte ?) qui la convainc de garder son enfant, au nom de la protection absolue de la vie. L'auteur de donne pas son avis, elle présente juste deux situations et laisse le soin au lecteur d'analyser les arguments des deux camps. La question de l'éducation d'un enfant au sein d'une famille monoparentale est également explorée, tout comme celle de la vie des femmes qui se retrouvent sans toit, sans argent, sans famille. De part tous ces aspects, Apaiser nos tempêtes est incroyablement riche, et donne matière à penser, à réfléchir mais aussi à s'émouvoir.

Le fil rouge de ces deux intrigues est celui de la maternité, mais aussi celui de la condition de mère, de femme. Deux parcours qui s'opposent, deux milieux sociaux différents, mais les mêmes interrogations. L'auteur oppose les destins de ces deux femmes pour en faire ressortir ce qui les lie intrinsèquement, ce qui lie en réalité chaque femme. C'est beau mais c'est aussi parfois très difficile à lire. Le regard porté sur ces deux personnages est incroyablement détaillé et réaliste. Cerise et Anna pourraient être n'importe quelle femme croisée dans la rue. Des femmes qui se battent avec ce qu'elles sont, qui se battent pour que leur progéniture soit la plus épanouie possible. La maternité est abordée sans détour, elle apparaît comme une nécessité pour les deux femmes mais l'on mesure à quel point il est difficile de devenir mère, de l'accouchement à la période de l'adolescence. Dans l'introduction, Jean HEGLAND fait part de son bonheur d'être devenue mère et de la nécessité de mettre en avant le thème peu exploité de la maternité en littérature, ce qui est plutôt paradoxal car elle signe un roman aux passages très sombres qui aurait plutôt tendance à saper l'envie d'avoir un enfant. J'ai d'ailleurs trouvé que l'histoire de Cerise versait un peu trop parfois dans l'extrême et le mélodramatique. Certes, les événements qu'elle doit endurer sont une réalité pour bien des personnes mais peut-être qu'une telle violence, si extrême n'avait pas sa place dans ce roman déjà si profond. Quoiqu'il en soit, je n'ai pas pu m'empêcher de tourner les pages à la vitesse de la lumière, avide de connaître l'histoire de ces femmes, envoutée par les images suggérées par l'auteur et troublée par toute l'émotion contenue dans ce texte si bien rédigé.

Voici un roman essentiel sur la femme, sur la mère et sur la maternité. Si vous n'êtes pas sensible à ces thèmes, je vous encourage quand même à vous tourner vers ce livre dont la richesse est telle que vous ne pourrez qu'être emportée par le destin des ces deux femmes, à la fois si ordinaires et si extraordinaires. Séduite par cette plume que je ne connaissais pas, je me tournerai peut-être prochainement vers son premier roman, Dans la forêt.
Dernières infos.

Apaiser nos tempêtes a été publié en 2021 et compte 556 pages.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2022 : Consigne 1 - Livre contenant plus de 500 pages - 37/100

lundi 31 octobre 2022

Petit pays - Gaël Faye

En résumé.

Gaby grandit au Burundi, petit pays de l'Afrique de l'Ouest possédant une frontière commune avec le Rwanda. Gaby, fruit du métissage entre un père français et une mère rwandaise a une enfance heureuse : des parents qui le protègent, une petite sœur qu'il adore, ses amis de l'impasse avec qui il fait les quatre cents coups et ses jours d'école pendant lesquels il écrit à sa correspondante française. Au fur et à mesure des mois puis des années, ces bonheurs d'enfance vont s'effacer pour laisser place au monde cruel des adultes. La séparation de ses parents, la guerre civile qui éclate au Burundi très vite suivie par le génocide rwandais transforment la vision qu’a Gaby du monde. Bien qu’encore jeune, il doit composer avec la peur, l'insécurité qui l'habite en permanence mais aussi l'incompréhension devant ce monde qui change autour de lui.

Mon avis.

On ne présente plus Gaël FAYE, auteur-compositeur-interprète, rappeur et écrivain. Son premier roman Petit pays a fait grand bruit lors de sa parution en 2016, et a obtenu le Prix Goncourt des Lycéens. Cela fait un moment que j'avais envie de le lire, mais je trouvais toujours d'autres lectures à faire passer en priorité. Maintenant, c'est chose faite, je comprends mieux pourquoi ce roman a été et est encore un succès des librairies.

Durant toutes ces années, j'ai entendu dire que ce roman portait sur le génocide rwandais. Je m'attendais donc à lire une autobiographie relatant l'histoire de Gaël FAYE, mais aussi à en apprendre un peu plus sur cet événement historique dont la cruauté a marqué les esprits. Finalement, j'ai été surprise de n'avoir rien de tout cela. Peut-être que l'intrigue est très largement inspirée par la propre histoire de l'auteur, mais ici les faits sont signés Gaby. Dans la première moitié du livre, il est avant tout question de son enfance au Burundi, pays qui a recueilli sa mère lorsque le Rwanda a connu ses premières crises. Son quotidien est narré avec l’innocence propre à l’enfance, mais les mots employés et le raisonnement tiennent parfois à la lucidité propre au monde des adultes. La tension monte crescendo au fur et à mesure que les crises politiques se succèdent. L’atmosphère joyeuse de ce quartier de Bujumbara laisse progressivement la place à une ambiance délétère, les visages se transforment, les gens s’enferment chez eux pour s’abriter des tirs des différents clans. Dans les dernières pages, l’horreur de la guerre, ses conséquences psychologiques sur ceux qui ont perdu leurs proches nous frappent particulièrement. En seulement 200 pages, c’est un virage à 360° que l’auteur opère, pour bien faire apparaître la complexité humaine avec d’un côté l’insouciance préservée de l’enfance et d’un autre, la barbarie la plus totale qui est capable de surgir à tout moment.

Contrairement à l’image que j’avais de ce livre, l’objectif de l’auteur n’est pas de retracer les événements de la crise politique burundaise, ni ceux du génocide rwandais d’un point de vue historique, mais plutôt de les raconter comme il les a vécus. Ainsi, on n’a très peu d’éléments détaillés sur les causes réelles des conflits, ni sur les forces qui s’opposent, on se concentre davantage sur les émotions du narrateur et sur la façon dont il perçoit les changements qui s’opèrent autour de lui. Ainsi, les enfants avec qui il a rigolé, avec qui il a volé des mangues, avec qui il a fait des petites bêtises, ont pris les armes. Eux qui étaient décrits comme des chefs de gang plutôt naïfs sont devenus de véritables chefs de guerre avec pour seule volonté la protection de leur quartier. Ces enfants ont dû grandir en quelques jours, alors que les coups d’état ne leur laissaient pas de répit, alors qu’il fallait choisir un clan pour survivre. Gaby, observant toute cette violence s’emparant de ses amis, a quant à lui choisi les mots, les livres qu’il empruntait chez sa voisine grecque. Alors que le monde s’écroulait autour de lui, il a choisi ce moment pour découvrir de nouveaux univers et se laisser happé par le pouvoir de la littérature. Les mots face aux armes, en voilà un combat noble. Si j’ai mis du temps à m’installer dans cette histoire, j’ai été très émue par les dernières pages. L’horreur décrite, ce que devient la mère de Gaby, la mesure de ces événements atroces sont difficiles à lire mais donnent à ce roman toute sa valeur dramatique. On referme ce livre en se disant que de tels meurtres ne devraient plus se reproduire, d'autant plus pour des raisons aussi futiles. Pourtant, la guerre, charriant avec elle son lot de drames, ce sentiment d’insécurité si difficile à supporter, a encore cours dans plusieurs parties de notre monde.

Voilà une lecture très émouvante. Plus que le génocide rwandais ou la guerre civile burundaise, Gaël FAYE explore les ravages de la guerre sur l’enfant qu’il a été mais aussi sur ses proches. Même si l’action prend place dans deux pays africains marqués par l’instabilité politique, les mots de l’auteur ont quelque chose d’universel. La façon dont son univers a basculé peut concerner chaque être humain, à partir du moment où il se sent menacé. Un roman à lire, d’autant plus qu’il peut être vite dévoré en quelques heures d'un après-midi pluvieux.
Dernières infos.

Petit pays a été publié en 2016 et compte 224 pages. Il a obtenu le Prix Goncourt des Lycéens la même année.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2022 : Consigne 85 - Livre qui contient une référence au terrorisme ou à un attentat  - 35/100

dimanche 16 octobre 2022

Comment font les gens ? - Olivia de Lamberterie

En résumé.

Âgée de 54 ans, Anna fait le point sur sa vie. Editrice, toujours en accord avec les auteurs qu'elle publie, elle se sent depuis peu oppressée par sa nouvelle chef qui souhaite donner la plume à ces nouvelles stars, les influenceuses. Anna est aussi la mère de trois filles, une très grande qu'elle a eu avec un papa qui a pris la fuite et les deux autres qu'elle a eues avec son mari actuel, un anglais bon chic bon genre. Partagée entre les souvenirs faits d'histoires lues au bord du lit, de baisers dans le cou aux odeurs de bébé et le présent constitué plutôt de reproches, de revendications et de portes qui claquent, Anna ne sait plus trop quoi penser de la maternité. A cela s'ajoute l'infidélité de son mari, un homme sur lequel elle pensait pouvoir compter et pour qui les sentiments étaient toujours aussi forts. Il y a aussi sa mère qui l'a élevée seule, portée par les revendications féministes bien avant l'heure, et qui désormais perd la boule dans son EPHAD. Et puis il y a le COVID, les catastrophes climatiques, les réseaux sociaux, l'injonction à réussir sa vie, à être heureuse et forte, à être toujours aussi pimpante. Le temps d'une journée, Anna fait le point sur sa vie, sur tout ce qui va ... et ne va pas.

Mon avis.

Bien souvent, je me pose cette question. Comment font les gens ? Pour tout mener de front : le travail, une vie sociale et affective, les enfants, les tâches ménagères, les courses, les passions, les réseaux sociaux, l'organisation des activités et des vacances. Sans être bousculés par les questions du monde. Cette question lancinante, comment font les gens pour avancer, pour se relever, pour croire que demain sera toujours meilleur ? Mon amoureux a pensé, à juste titre, que ce roman au titre évocateur pourrait me plaire, qu'il m'apporterait peut-être un début de réponse à cette question à la fois si simple et si compliquée. Malheureusement, j'ai trouvé un décalage trop grand entre la promesse véhiculée par le titre et la quatrième de couverture et le contenu. Je ressors de ma lecture avec une impression mitigée. Dans tous les cas, je n'ai toujours pas de réponse à ma question : comment font les gens ?

Lorsqu'on tourne les premières pages de ce roman, on pénètre dans un tourbillon, emportés par les pensées d'Anna qui tournent, tournent et ne voient jamais de fin. Le roman est ainsi construit : une succession de réflexions qui s'enchainent les unes aux autres, parfois avec un fil conducteur, parfois sans. Aucun chapitre ne vient casser ce flot incessant de pensées. En quasiment trois-cents pages, seule une journée de la vie d'Anna est narrée, une journée dont les événements, mineurs, occupent finalement peu de place. L'intrigue, si c'en est une, est davantage portée sur la vie d'Anna, ses regrets, ses peurs, ses projections. Tout y passe, de sa vie professionnelle à sa vie privée, de sa vie de maman à celle d'amie et d'amante, les petits tracas du quotidien comme les grandes réflexions sur la société dans laquelle elle évolue. Cette sensation de flot de pensées ininterrompu est assez bien représentée, on touche du doigt ce qu'on appelle la charge mentale. En une journée, Anna doit gérer la préparation du dîner pour sa fille qui a une grande nouvelle à lui annoncer, elle doit aller travailler (avec tout ce que ça implique en terme de charge mentale), elle doit aller rendre visite à sa mère dont l'EHPAD ne veut plus, elle doit s'occuper des devoirs de ses filles, tout en traitant ses propres états d'âme, à savoir sa vie de couple qui est sur la sellette. Autant de tracas du quotidien auxquels il faut faire face dans l'instant, sur fond d'un coup de déprime qui amène la quinquagénaire à tout remettre en cause. 

Si j'ai été sensible à cette façon de décrire et mettre en scène la charge mentale, j'ai en revanche été moins séduite par le personnage d'Anna dans lequel je ne me suis pas reconnue. Si pour moi aussi, les journées sont marquées par des pensées qui ne cessent de tourner en boucle, je ne me suis pas retrouvée dans les préoccupations d'Anna. Avec un écart d'âge de plus de vingt ans, pas d'enfants de mon côté, vivant en province, travaillant dans un tout autre secteur que celui de l'édition, je n'ai quasiment aucun point commun avec elle, si ce n'est d'être une femme. Je trouve que l'auteur peine à rendre son message universel, j'ai eu l'impression qu'elle écrivait ce roman pour une catégorie de lecteurs bien précise, à savoir des femmes qui ont la cinquantaine, qui vivent à Paris, qui ont un train de vie plutôt aisé, avec des enfants et des parents qui perdent la boule. Si on ne se reconnaît pas dans ces critères, on passe un peu à côté de l'histoire. Le côté parigo-parisien des beaux quartiers m'a clairement agacée, comme si seules les parisiennes avaient accès à la littérature. Un autre bémol à cette lecture est très certainement son côté trop optimiste. On sent Anna sur un fil, très contrariée, fatiguée aussi, mais le dénouement reste très lumineux, alors que les trois quarts du roman crient haut et fort qu'elle est en train de perdre toute forme d'espoir. A la question "Comment font les gens ?", j'aurais tendance à répondre qu'ils n'ont pas le choix, qu'ils se dépatouillent comme ils peuvent, que la vie n'est peut-être pas aussi rose que dans les pubs, surtout en ce moment. Or, la fin du livre insinue que la vie repart pour Anna, comme si les questionnements qui l'ont occupée pendant une journée étaient simplement balayés par une bonne nouvelle. Je trouve que c'est un peu simpliste, digne du roman feel-good, tout va mal, une bonne nouvelle et ça repart. Ainsi l'auteur propose de plonger dans le quotidien de la vie d'une quinquagénaire, mais je ne crois pas qu'elle réponde, même partiellement, à cette question que se pose son personnage, Comment font les gens ?

En somme, une lecture mitigée, qui n'a clairement pas tenu ses promesses. Vue la quantité de bouquins proposée sur les étals des librairies ou dans les rayonnages des médiathèques, je ne sais pas si se pencher sur celui-ci vaut le coup. J'irais peut-être plutôt tenter ma chance ailleurs.
Dernières infos.

Comment font les gens ? a été publié en 2022 et compte 271 pages.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2022 : Consigne 83 - Une scène où un personnage prend soin de lui et de son apparence physique : coiffeur, parfum, maquillage, spa, massages...  - 33/100

dimanche 2 octobre 2022

Le prince des nuages - Christophe Galfard

J'ai découvert Christophe GALFARD avec "L'univers à portée de main", roman de vulgarisation scientifique qui porte sur les connaissances que nous avons sur le cosmos et sur les lois qui régissent la physique, dans l'infiniment petit et dans l'infiniment grand. Intéressée depuis très longtemps par l'univers, mais aussi par les questions environnementales, j'ai eu envie de prolonger ma découverte de l'auteur en me plongeant dans la lecture de cette trilogie jeunesse dans laquelle il promet de l'aventure mais aussi la compréhension des phénomènes naturels qui nous entourent et qui sont essentiels à notre survie sur Terre.

TOME 1 : Le Blueberry

En résumé : Que les journées sont longues pour Tristam Drake qui s'ennuie ferme à l'école ! Il faut dire que les questions d'altitude, de couleur du ciel ou de formation des nuages lui passent carrément au-dessus de la tête. Lui, ce qu'il aime, c'est l'aventure, explorer les recoins du Blueberry, ce nuage construit à la hâte au-dessus d'un volcan pour cacher Myrtille, la fille du Roi des Nuages du Nord que le Tyran a détrôné. En attendant que le Roi, entré dans la résistance, reprenne ses fonctions, sa fille vit dans ce village un peu particulier, hébergée dans la famille de Tom, ami de Tristam et jeune garçon intelligent, très curieux des phénomènes naturels. Seulement voilà, le Tyran, avide de pouvoir, finit par retrouver la trace de Myrtille et met la main sur le Blueberry. Seuls Tom et Tristam parviennent à s'échapper alors que les autres habitants sont faits prisonniers. Les deux amis s'enfuient vers d'autres contrées, déjà tombées dans les mains du despote. C'est alors qu'ils comprennent la volonté de cet homme cruel : semer le chaos sur Terre en bouleversant le climat.

Mon avis : De prime abord, l'intrigue de ce roman jeunesse n'a pas grand chose de révolutionnaire : les gentils qui se battent contre le méchant, plein de bonnes intentions saupoudrés d'un peu d'amitié. C'était sans compter l'imagination de l'auteur qui fait voyager le lecteur dans l'atmosphère et qui recréée tout un univers dans les nuages. Ainsi, on rêve à des décors douillés, où les personnages côtoient les lumières du ciel et du soleil. Je trouve que cette intrigue est efficace pour un jeune public. J'ai juste été un peu perdue vers le milieu/la fin du livre lorsque les personnages s'enfuient vers les autres nuages. Une carte n'aurait pas été de trop pour situer les lieux les uns vis-à-vis des autres, ainsi qu'un petit récapitulatif des différents personnages car entre ceux qui sont dans l'opposition, ceux qui jouent double-jeu, et ceux qui sont des partisans du Tyran, on finit par s'y perdre un peu. Mais c'est aussi peut-être dû au fait que j'ai lu ce roman de façon trop fractionnée, quelques pages dans le train, une ou deux pages avant de dormir, et voilà, je ne suis plus concentrée sur l'histoire et j'en oublie les principaux rebondissements. Néanmoins, la grande plus-value de ce livre est les données scientifiques apportées par l'auteur. Déjà, je trouve habile de sa part de proposer une histoire sur le réchauffement climatique tout en expliquant les phénomènes météorologiques nécessaires à l'équilibre terrestre. Pour comprendre en quoi quelques degrés supplémentaires peuvent bouleverser ce fragile équilibre, il faut d'abord comprendre comment interagissent le soleil, la Terre, l'atmosphère et les éléments (l'eau...). Ainsi, le récit est émaillé de notes scientifiques (très accessibles) répondant à certaines questions sur le fonctionnement de notre planète et sur tous les phénomènes naturels que nous pouvons observer. Je suis vraiment une adepte de cette démarche qui allie connaissances scientifiques et fiction. Je trouve que c'est un moyen intéressant pour sensibiliser les jeunes lecteurs aux bouleversements climatiques à venir, tout en leur faisant comprendre les subtils mécanismes qui sont à l'œuvre. Ce roman permet également d'appréhender le changement climatique comme une arme de guerre, ce qui est le cas car plusieurs morts et destructions vont découler des bouleversements déjà en cours et à venir. Voilà donc un premier tome prometteur qui nous permet de prendre conscience de la beauté de la Terre (et des mécanismes qui font qu'elle est habitable) mais aussi des menaces qui pèsent sur elle (activité humaine qui est à l'origine du réchauffement climatique). Seule l'intrigue aurait pu être un peu plus développée, mais n'oublions pas que cette trilogie s'adresse avant tout à un jeune public.

Ma note : 3/5

Challenges :
Défi lecture 2022 : Consigne 88 - Roman jeunesse (respectant les règles du défi).  - 32/100

lundi 26 septembre 2022

La dame au sari bleu - Katherine Scholes

En résumé.

Pêcheurs sur l'île de Tasmanie, au large de l'Australie, Zelda et son père James mènent une vie sobre et emplie de la quiétude des lieux. Le père et la fille ont noué une relation fusionnelle suite au décès tragique de la mère de Zelda dans un accident de la route plusieurs années auparavant. Cependant, leur tranquillité va être mise en mal par l'arrivée d'un jeune australien dont le rôle est de déterminer les zones de la Tasmanie qui ont besoin d'être préservées pour éviter la disparition de certaines espèces de l'île. Zelda et son père ne seront donc plus autorisés à pêcher sur leur zone. Comme si un malheur n'arrivait jamais seul, et quelques semaines après cette nouvelle, James décède suite à une choc anaphylactique. Zelda, complètement dévastée, fouille la maison à la recherche des derniers souvenirs laissés par son père. Elle tombe alors sur une coupure de journal qui lui apprend qu'Ellen, sa mère, est encore vivante et qu'elle réside en Inde. Zelda est bien décidée à la retrouver et à lever le voile sur tant de mystères.

Mon avis.
 
A force de voir passer les romans de Katherine SCHOLES sur Livraddict, j'ai eu envie de découvrir l'auteur et ses livres dont les couvertures invitent souvent au voyage. Seul La dame au sari bleu était disponible à la médiathèque, je me suis donc tournée vers celui-ci, un peu par défaut.

J'ai lu ce roman en deux temps. Je l'ai commencé alors que j'étais encore en vacances et que j'avais du temps devant moi pour lire, puis la rentrée est arrivée, et j'ai donc lu la suite de façon très morcelée, quelques pages par ci, quelques pages par là. Je ne sais pas si c'est ce changement de rythme qui explique l'impression que j'ai eu d'une lecture inégale, entre un début qui s'enchaîne bien, avec du rythme, et une fin interminable, dont la longueur m'a vraiment dérangée. Si la quatrième de couverture met en avant Zelda, et son souhait de retrouver sa mère, le livre porte essentiellement sur cette dernière, danseuse étoile célèbre, mais qui a tout quitté pour suivre James en Tasmanie, avant de fuir une nouvelle fois pour trouver le repos en Inde. Il faut donc s'attendre à découvrir le parcours d'Ellen, et non la quête de Zelda pour retrouver sa mère. Quoiqu'il en soit, je trouve qu'il plane sur ce roman une ambiance étrange, un peu glauque je dois dire, en tout cas une atmosphère qui m'a mise mal à l'aise durant toute ma lecture. Cela tient à peu de choses peut-être, imaginer cette cabane de pêche en tôle, chauffée à blanc par le soleil, les mouches qui tournent autour des cadavres d'animaux utilisés pour la pêche, James qui reluque sa fille sous la douche, Ellen qui ne fait rien pour sauver Zelda de la noyade, l'enfance d'Ellen marquée par la cruauté de sa propre mère, la clinique psychiatrique dans laquelle se trouve Ziggie, l'amie d'Ellen, puis tout le passage en Inde, entre pauvreté et tableaux aux couleurs trop vives. Bien que heurtée par certains passages, je trouvais que le tout conservait une certaine cohérence, mais la fin ne m'a pas du tout convaincue. Tout le passage en Inde m'a laissée de marbre, et je me suis carrément ennuyée à lire ces pages. L'auteur nous amène sur le terrain de la spiritualité - thème qui est loin de me passionner - et je trouve qu'elle en fait un peu trop. Ellen devient une espèce d’idole, sans qu'on comprenne exactement pourquoi, ni ce que ça peut apporter au reste de l'histoire.

Il s'agit d'un roman plutôt sombre qui explore avant tout la relation mère-fille. C'est en découvrant l'histoire d'Ellen, son enfance passée aux côtés d'une mère tyrannique qui la piquait dès qu'elle se rebellait un peu trop, que l'on comprend la distance qu'elle met entre elle et Zelda. C'est son séjour en Inde avec ses amies qui va lui permettre de comprendre les mécanismes toxiques qui peuvent se mettre en place entre un parent et son enfant, ainsi que le poids des générations, comment les mauvais agissements peuvent être reproduits sans qu'on le veuille. La dame au sari bleu est un roman très féminin. Au-delà de l'histoire d'Ellen, l'auteur explore deux autres parcours de femmes, celui de Ziggie dont la mère lui a laissé peu de place pour s'épanouir, et celui de Skye, une riche héritière torturée. Ces deux jeunes femmes souffrent d'anorexie, à tel point que leur vie est en danger. La volonté d'Ellen va être de les sauver, grâce à l'accueil de miséreux en Inde, pour ainsi établir un parallèle entre tous ces gens qui désireraient s'alimenter alors qu'ils n'en ont pas les moyens, et les deux jeunes femmes qui ont cessé de se nourrir alors qu'elles en auraient largement les moyens. C'est comme ça, en sauvant ses amies, mais aussi en servant à manger à ses voisins pauvres qu'Ellen va être petit à petit considérée comme une sainte. Ces trois femmes auront été étouffées par leur mère, même si elle était pleine de bonnes intentions (c'est le cas pour Ziggie). Leur maux de femme adulte trouvent leur origine dans cette relation toxique à la mère. C'est en faisant le bien autour d'elles qu'elles vont petit à petit redonner un sens à leur vie, et panser les blessures du passé.

Malheureusement, je suis restée un peu sur ma faim avec cette première découverte de l'auteur. Le genre de bouquin un peu trop spirituel à mon goût, avec quelques passages assez étranges qui m'ont gênés. Ce n'est pas vraiment un livre que je conseillerais et je ne sais pas à ce jour si j'oserai retourner vers les autres bouquins de l'auteur.
Dernières infos.

La dame au sari bleu a été publié en 2005 et compte 484 pages.

Ma note.
Challenges.

Défi lecture 2022 : Consigne 67 - Livre dont le titre comporte au moins un mot étranger entré dans la langue française (week-end, bled, chewing-gum, sushis, sari).  - 31/100